[ Home ]

Macadam Magique

*
Redécouvrir les arts magiques de la rue



 

 La rue, cela fait longtemps que l'on ne s'y attarde plus... Heureusement, un jour, des saltimbanques sont apparus pour nous faire prendre conscience que la rue pouvait être synonyme de rencontre, de plaisir, de fête !                

Le spectacle de rue n'est pas un phénomène récent.  Depuis le 15e siècle, il est présent dans la vie des collectivités.  La curiosité, l'étonnement et la surprise ont fait le plaisir de plusieurs générations de spectateurs.

On oublie bien souvent, qu'il est l'une des formes d'expression des plus anciennes et des plus populaires. 

La première caractéristique du spectacle de rue est d'être un art populaire.

Pêcheur à la ligne dans une flaque d'eau Populaire, car il est réellement ouvert au public. Il se « mêle au peuple » et sa nature très visuelle lui permet ainsi de toucher des publics d'origines sociales et culturelles très différentes et même de passer les frontières.

Populaire car il investit l'environnement des gens, s'insère dans leur décor quotidien, dans leurs habitudes, dans leurs vies de tous les jours et leur présente souvent des personnages proches d'eux-mêmes.
Populaire enfin, car le spectateur y est interpellé : qu'il devient comédien malgré lui et tout d'un coup se retrouve dans le cercle et participe à l'événement.

Spectacle improvisé sur les Grands Boulevards, après un orage. Pêcheur à la ligne dans une flaque d'eau. Paris, vers 1925

Le spectacle de rue s'attache à réaliser ce grand rêve de « l'art au quotidien ».
Un spectacle qui se produit gratuitement dans l'espace public, s'adresse à tous sans discrimination, permet au public d'intervenir, est par définition est art populaire.

Dans « Paris la fête » Claude Jacquin évoque les relations entre les bateleurs et le public de la rue.
« Quand un bateleur arrive quelque part, c'est la fête. Ce sont des rapports qui s'installent, des dialogues qui se nouent entre l'artiste et le public. Ce dernier n'est pas dupe, il sait faire la part du vrai et du faux, mais dans la rue il a envie de jouer le jeu, de se laisser bercer...  Sans la harangue le bateleur perdrait de son charme.  Point trop n'en faut, mais lorsqu'elle est subtilement incorporée au tour, celui-ci devient un instant magique, unique ».
Les artistes de rue sont aussi bien comédiens que soudeurs, déménageurs ou cascadeurs. Ces artistes s'appellent, non sans quelque fierté, les « artistes aux mains sales ».

A l'heure actuelle, beaucoup de gens le considèrent comme un spectacle d'amateurs, comme un sous-genre ne méritant guère que l'on y porte une grande attention.

Tout d'abord, il s'agit bien d'un genre à part entière. Il s'est hissé au niveau du professionnalisme et demande un travail aussi intensif que le spectacle en salle. Ce n'est donc pas un sous-genre. Le spectacle de rue demande un profond investissement de la part des artistes. Le contact avec le public est un élément très important pour l'artiste de rue, comme un sentiment de se retrouver en famille.

S'il est vrai que dans la rue on rencontre plus qu'ailleurs des autodidactes, des comédiens formés « sur le tas », la meilleure école du spectacle n'est-elle pas celle qui pousse les artistes devant le public, qui lui fait prendre conscience de la difficulté de jouer, du travail à effectuer et de ses propres capacités ?

La rue est une excellente formation où le « premier prix » à décrocher serait les rires et les applaudissements du public.

Nous voyons qu'il est hors de question de considérer les artistes de rue comme des amateurs. Ce sont des professionnels à part entière !
Magicien de rue à New York
Magicien de rue à New York

L'espace public

                  Autrefois la ville s'offrait naturellement aux spectacles. Les représentations animaient spontanément la cité, lui apportaient une aire de liberté.

Peinture de Joseph Faverot - Prestidigitation - 1890
Peinture de Joseph Faverot  - Prestidigitation 1890 - Joueurs de bonneteau.
Bonneteau, jeu de filou dans lequel il s'agit de deviner la place d'un as de coeur parmi trois cartes que le banquiste manie avec adresse, en prenant soin d'escamoter et de remplacer l'as de coeur par une autre carte.

Les espaces publics étaient alors considérés comme à la disposition des citadins. La rue, par exemple, n'était pas seulement un lieu de circulation comme elle l'est devenue depuis le 19e et surtout le 20e siècle, mais elle était également un espace d'échange, de réunion, de fête qui connaissait ses marchés, ses saltimbanques, ses cortèges,... Ce qui nous semblerait aujourd'hui désordre et confusion était à l'époque considéré comme normal.

A l'heure actuelle, la plupart des espaces publics ont perdu leurs fonctions premières. Les fêtes et les spectacles populaires ont peu à peu disparu du paysage urbain. Tout se contraint à l'ordre de la société urbaine.

C'est ainsi que le maire de Paris s'enthousiasmait dans les années 70 à l'évocation des spectacles improvisés dans la rue : « Je demande que l'animation culturelle devienne une habitude, que la poésie dans les rues de Paris soit réanimée car la poésie ne doit pas, en effet, se cantonner dans les salles de théâtre ou sur les coins des rues ».

Le spectacle de rue a également pour but de montrer une image de la ville que les habitants ne connaissent pas. Il cherche à redonner une autre dimension aux espaces publics. En effet, le décor dans lequel on vit a trop souvent tendance à être considéré comme banal, sans intérêt. Ce genre de démarche incite à l'observer, à le percevoir différemment. L'enjeu est d'animer la ville, c'est-à-dire de lui donner une âme...

Les artistes de rue s'opposent à l'ordre de la ville qui exige « une place pour chaque chose et chaque chose à sa place ». Ils cherchent à transfigurer les espaces de la ville en quelque chose de merveilleux ou de surprenant. Il s'agit ainsi de donner au public un regard différent, de lui permettre une relation nouvelle avec son environnement, de montrer que la ville n'a pas seulement une fonction utilitaire  mais qu'elle peut redevenir un espace de contacts, de convivialité.

La force du spectacle de rue est justement de mêler tous les publics, sans barrières culturelles. Dans la rue, les spectateurs ont une totale liberté de mouvement et d'expression qui leur permet de s'extérioriser comme ils l'entendent.

Saltimbanque sur la place publique
Saltimbanque sur la place publique

Dans notre société, les occasions de s'arrêter ensemble sur le même trottoir, d'adresser la parole à des inconnus, de jouir de plaisirs gratuits, sont devenus trop rares. La rue suscite cette joie d'être ensemble, elle engendre la complicité. Elle pousse les gens à se parler, à se rencontrer, à communiquer.

Le saltimbanque cherche à établir un rapport de complicité avec le public, il abolit ainsi le traditionnel monologue qui s'installe dans une salle et le remplace par un véritable dialogue ou chacun, public et artistes, peut s'exprimer librement. Grâce à lui, le spectateur n'est plus un quelconque consommateur de divertissement culturel mais bien un partenaire à part entière.

Les aspirations des saltimbanques oscillent entre la liberté dans la rue, le contact direct du public et le prestige que confère les contrats d'animations organisées ou les représentations sur scène. En dehors de leurs préoccupations pour la qualité des spectacles, ils se soucient de leurs rapports avec le public.

Hier comme aujourd'hui, le spectacle de rue envahit un espace pour y introduire le sien et ainsi laisse un souvenir dans les mémoires. Il nous permet de nous réapproprier notre environnement, d'y retrouver un espace de contacts...




Un peu d'histoire


Depuis l’Antiquité, des hommes divertissent la population. Ils s’entourent de très peu d’accessoires mais leur don d’attirer le regard fait parti de leurs atouts principaux. Ils jouent sur l’apesanteur, les éléments naturels ou leur propre corps. Ils s’entraînent à des numéros que le profane n’ose tenter.

Les spécialistes du cirque ont retrouvé les traces de ces enfants de la balle à travers de nombreuses fresques, peintures rupestres ou sur des ornements d’objets de la vie quotidienne, vase ou amphore…. Mais de ces études aucune trace généalogique de ces personnages ne nous est révélée.

A Cnossos, 2400 ans av. J.C. une peinture rupestre représente des jeunes athlètes se livrant à des exercices d’acrobatie sur un taureau.
Peinture de Cnossos 2400 av. J.C

Comme actuellement sur nos places publiques, nous retrouvons également des vagabonds réjouissants la population des milles facéties de leurs tours sur l’Agora ( place publique où le monde commerçant, financier, religieux se côtoie ). A Rome, Ventilator fut le premier jongleur à jouer avec des coupes et des amphores d’airain, et escamoter par ses doigts agiles des billes d’ivoire plus grosses que des noix.

En Orient, particulièrement en Inde, ces métiers sont pratiqués par des gens d’une même caste. La transmission se fait de père en fils. Les acrobates, portent une longue écharpe rouge flottante signe de leur profession. Un bas relief  provenant de Baârhout datant du 2ème siècle av. J.C. représente 14 acrobates montés en pyramide.

Depuis 391, après une peste dévastatrice les consuls de Rome firent venir d’Etrurie ( ancienne Toscane ) une troupe pratiquant ces divers métiers pour procurer un spectacle nouveau et plus gai que les jeux du cirque, on les prénomma histrions. Dans le dialecte usité en Etrurie un bouffon se nommait hister. Histrion devint le terme général de tous ces amuseurs publics.

Ces hommes sont à l’époque les messagers des Dieux et des hommes. Des Dieux, parce qu’ils se surpassent eux-mêmes dans la pratique de leur numéro, des hommes parce qu’ils sont nomades et colportent de contrées en contrées les nouvelles des guerres, des invasions, des naissances, des décès…. Ce sont les « gazettes » de nos temps modernes.

Plus tard les épidémies et les invasions barbares laissèrent de côté le désir de rire et de s’émerveiller. Mais comme disait l’Egyptien Palladas « la vie n’est que théâtre et jeu », plus tard un moine le transforma en « tout le monde joue la comédie, le monde est un histrion ».

Si les montreurs de marionnettes ont la réputation d'être les plus anciens présentateurs de spectacle populaire, c'est aux mimes de l'Antiquité que l'on attribue le rôle d'ancêtre des saltimbanques du Moyen-Age. Ils deviennent des artistes ambulants, allant de fête en fête, civiles et religieuses, et de foire en foire. Ils se transformèrent en illusionnistes sillonnant les pays dès le 4e et 5è siècles.

Le bateleur du Tarot de Marseille Lors des croisades, les chevaliers engagent des jongleurs pour les divertir lors de leurs longs trajets. Mais il y a eu aussi des saltimbanques d’origine Turc, Egyptienne, Arménienne qui vinrent s’exhiber sur les foires occidentales. Personnage sans origine, venant d’ici ou de là-bas,  il reste bien présent dans l’imagerie populaire. Au cours d’un voyage en orient, on ramena le premier jeu de tarot ( entre 1095-1270 ). Dans ce jeu la première figure représente un bateleur.

On retrouve, dès le 11e siècle, des bateleurs dans toutes les grandes villes d'Europe. Ils exerçaient aux carrefours et sur les places les plus fréquentées en dehors des réjouissances qui marquaient les grands moments de l'année. Victimes de la dénonciation de l'Eglise, de la misère et des calamités publiques, les bateleurs disparurent presque entièrement aux 9e et 10e siècles. Ce ne fut que grâce aux troubadours du 12e siècle qu'ils reconquirent l'estime du public.

D’abord sur le littoral méditerranéen, se développa un nouvel art de vivre et de se courtiser. Des hommes inventèrent la poésie et l’amour courtois, ils se nommèrent « troubadours » en langue d’oc et « trouvères » en langue d’oil. Grands voyageurs, souvent de haute lignée, ils fréquentent les cours d’Europe. 

Certains composent seulement et font appel à des jongleurs pour jouer et chanter leurs vers. Ces derniers servent en même temps de messager à la « dame » pour qui ces vers sont destinés. Nouveaux métiers pour nos jongleurs que sont nos histrions de l’antiquité. La langue populaire plus prompte aux changements, leur a trouvé un nom plus en rapport avec leur personnage : joglar « jouer, faire rire ».

En 1585, invoquant des raisons d'ordre moral, le pape Sixte V bannit les comédiens de ses Etats. Nombre de princes imitent son exemple, certains tolérant toutefois les troupes mixtes, mais les castrats unanimement préférés aux dames. Ainsi en 1560 un document ( libellé des règlements de la police civile ), reprécisé en 1588, toujours en vigueur au 18e siècle, défend-il aux « bateleurs » de « jouer les dimanches et les jours de festes, aux heures du service divin, de se vestir d'habits ecclésiastiques et de jouer des choses dissolues ou de mauvais exemple, à peine de prison et de punition corporelle ».

Depuis toujours, les saltimbanques se sont battus contre le clergé et les autorités. Ces autorités réussirent à faire interdire les dialogues dont se régalait le public au cours des saynètes qui se jouaient sur les tréteaux. Qu'à cela ne tienne !  Les comédiens chantèrent. On supprima le chant. Ils mimèrent. Chaque fois qu' une interdiction tombait, ils trouvaient de nouveaux moyens d'expression. La foule se pressait pour les voir !

Automate Magicien

En 1604 Henri IV fit achever le Pont neuf, commencé sous Henri III en 1578, Il avait été suspendu  pendant les guerres civiles. Le pont neuf fut occupé sur le champ par les paradistes, les jongleurs et les charlatans. Installés sur des tréteaux ou à même la rue, ils donnaient toutes sortes de spectacles basés en grande partie sur l'improvisation et accordant une large place à la musique. Ils accompagnaient les médecins ambulants, les vendeurs de tisanes, les arracheurs de dents et autres...  et par leurs boniments incitaient le public à acheter les produits qu'ils proposaient à la fin de la représentation : médicaments, poudres magiques, pommades,...


Brioché établit son célèbre théâtre de marionnettes dans une baraque qui faisait l’angle du quai de Conti, en face du Pont Neuf, et qu’on appelait le Château Gaillard.

Ces spectacles constituaient une des premières formes de publicité et connaissaient une grande popularité auprès des foules. Les bateleurs étaient associés aux charlatans. La coutume était de faire précéder la vente de chansons, d'acrobaties, de tours de singes et d'un dialogue comique entre l'opérateur et un compère qui prenait le public à partie.

Automate magicien

Les marchands d’élixir, d’orviétan, de baumes pour les dents et pour les yeux, les charlatans de tout genre s’installèrent sur les trottoirs et dans les demi-lunes. Au beau milieu du pont, devant l’entrée de la Place Dauphine, en face du terre plein où plus tard s’éleva la statue d'Henri IV, Tabarin dressa son théâtre en plein vent ; il était secondé par son gendre Gauthier-Garguille, par Mondor et quelques autres.

Le Pont Neuf devint alors la promenade favorite des badauds. Les vaudevilles et refrains de Tabarin s’appellait les « Ponts Neufs ». Mais ils allèrent trop loin et en 1634 le parlement les chassa du Pont Neuf.


Au environs de 1635 Le rituel du diocèse de Paris, rejette de la vaste famille des chrétiens, les « personnes publiquement indignes, tels que ceux qui sont notoirement excommuniés, interdits et manifestement infâmes, comme les prostituées, les concubinaires, les comédiens, les usuriers, les magiciens, les sorciers, les blasphémateurs et autres semblables pêcheurs ».

Le 16 avril 1641, signant une Ordonnance généreuse et très en avance sur l'opinion, sa main guidée par un cardinal de Richelieu friand de théâtre, Louis XIII relève les amuseurs de la déchéance sociale qui les frappe. « En cas que les dits comédiens règlent tellement les actions du théâtre qu'elles soient, du tout, exemptes d'impuretés, nous voulons que leur exercice, qui peut innocemment divertir nos peuples de diverses occupations mauvaises, ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudice à leur réputation dans le commerce public ».

Vers 1750 c'est le boulevard du Temple qui devient célèbre. Acrobates, Montreurs de marionnettes, funambules, numéro de force et d’adresse, arracheurs de dent et charlatans s'y produisent et sont particulièrement recherchés. Ces messieurs sont l’obsession de la faculté, bien que la médecine officielle, avant la dernière moitié du 18ème siècle, se distingue difficilement des procédés et remèdes charlatanesques.

L'entrée du theatre de l'Ambigu sur le bd du Temple
Le boulevard du Temple et l'entrée du Théâtre de l’Ambigu-Comique au XIXe siècle

La tradition des saltimbanques s'est maintenue jusqu'à nos jours, même si ceux-ci ne sont plus attachés au service des charlatans.

Dès le début du 17e siècle, on trouve sur les foires des faiseurs de tours de passe-passe, puis des funambules, des acrobates sur échasses, des montreurs d'animaux savants et de marionnettes. Les premières formes du cirque furent probablement ces cercles de troubadours qui se formaient autour d'un équilibriste ou d'un jongleur sur les places publique.

Dès son émergence, le cirque a défini son implantation : il a besoin d'un espace rond permettant la mise en valeur du travail de chaque artiste. Tous les spectateurs doivent pouvoir apprécier le spectacle, quelque soit la place qu'ils occupent. On retrouve souvent ce principe d'implantation en rond dans le spectacle de rue.

A cause de la crainte qu'inspiraient les saltimbanques, il leur fut impossible de rester sédentaires. Dès lors, ils devinrent des errants. Malgré son instabilité et son isolement, la vie ambulante, attirait les esprits aventuriers. Ainsi écartés de la vie sociale, les artistes errants transmettaient leurs secrets à travers les siècles. La peur des populations sédentaires leur valut jusqu'au 18e siècle d'être considérés dans les campagnes comme des sorciers. Cependant, les royautés ont souvent demandé la présence des saltimbanques pour accentuer le faste de cérémonies.



"Rien n'empêche plus la roulotte des saltimbanques d'emporter très loin son théâtre éphémère..."  Pierre Moinot
Une roulotte

Peu à peu, l'idée se forme de déplacer le spectacle dans un édifice autonome, idée qui mènera à l'avènement de la scène. Des architectes comme Serlio, Palladio ou Sabattini font une découverte fondamentale : la perspective. Le décor classique fait alors son apparition.

Plus tard, lorsque la salle sera plongée dans l'obscurité pour focaliser l'attention sur la scène, le public se repliera alors tout-à-fait sur lui-même et tout contact avec les artistes sera exclu.
L'apport indéniable du 18e siècle est d'avoir enfin considéré le spectacle comme un art véritable et de lui avoir donné sa place dans la culture officielle. Les formes populaires comme le théâtre forain ou la Commedia dell'arte disparaissent.

Il y aura désormais deux mondes d’artistes ambulants, celui des artistes spécialisés dans l’art des représentations théâtrales et celui des enfants de la balle ( sauteurs, danseurs, montreurs d’animaux ), désigné maintenant sous le nom de bateleur. Petit à petit les comédiens trouvent des lieux fermés pour exercer leur art comme l’hôtel de Bourgogne et le fossé se creuse entre les artistes de culture écrite et ceux de culture orale. Ces comédiens vont rejeter les bateleurs jusqu’à les empêcher de faire des scénettes parlées dans les spectacles de foire. Avec l’avènement de Molière qui pourtant s’enrichira de leur franc parler, la création de la comédie française scinda ces deux mondes définitivement.

Joueur d'orgue de barbarie vers 1900 A la restauration, les boulevards intérieur de la Madeleine à la rue des Filles du Calvaire, le Boulevard du Temple qu’on appelle Boulevard du Crime à cause des mélodrames sanglants qu’on y joue, une demi-douzaine de théâtres s’y côtoient, ont récupéré les bateleurs, illusionnistes, escamoteurs. Les foires ayant pour la plupart périclitées. Sous des baraques de bois ou des tentes de toile, vont abriter leurs animaux curieux, leurs acrobates ou leurs phénomènes. A l’entrée des théâtres va se perpétuer la comédia dell’arte et le succès des arlequinades, avec Bobèche, Galimafré, Gringalet et Faribole.


Le citoyen Danton  : « Citoyens ! » disait-il « J' apprends qu' on veut empêcher les joueurs d' orgue de nous faire entendre par les rues leurs airs habituels. Trouvez-vous donc que les rues de Paris sont trop gaies ? Trouvez-vous que le peuple de Paris ait trop de chansons aux lèvres ? On nous conteste bien des libertés.
De grâce, laissez-nous la liberté de l' orgue de Barbarie, la liberté de nos refrains, la liberté de la chanson !...
»

Joueur d'orgue de barbarie ( 1898 - 1899 ) photo d'Eugène Atget

Un soir de 1865 au Cirque Renz de Berlin, un écuyer comique, Tom Belling, rentre sur la piste souverainement alcoolisé. Il est assurément victime de chutes imprévues qui font hurler de rire l’assistance. Son alcoolémie sévère s’était aussi bien chargée de donner une belle couleur rougeâtre à son appendice nasal. Le public, bien moqueur, l’aurait alors traité de Dummer August ce qui en argot berlinois signifie « homme stupide ». Mais le personnage connut un grand succès. L’Auguste et son nez rouge étaient nés.

Les saltimbanques, après avoir exposé leur art au sein des cirques du 19e et du 20e siècle, sont redescendus dans la rue. La plupart des artistes de rue d'aujourd'hui ont conservé le meilleur : le rapport au public, la magie, le spectaculaire et les prouesses physiques. Mais ils ont aussi gardé ce fameux esprit de famille hérité du cirque.

A la fin du 19e siècle, se développe un courant populaire de « spectacle pour le peuple » c'est-à-dire, qui permettrait l'expression des masses. Il s'agit de conquérir un public qui ne se rend habituellement pas au spectacle et de l'initier.

Depuis le début des années 80, les arts de la rue sont en plein essor. Les troupes de rue se multiplient chaque année et des festivals comme celui d'Aurillac ou de Chalon-sur-Saône réunissent des milliers de spectateurs. Tout permet de croire que le spectacle de rue à encore de très longues années devant lui !  On revendique un « théâtre pour tous », qui rassemble le plus grand nombre et rejette les discriminations sociales.
Tom Belling

Les saltimbanques de jadis sont évoqués en termes nostalgiques comme des artistes de qualité qui aimaient leur métier, qui aimaient ce qu'ils appellent « le feu sacré ».

La rue, cela fait longtemps que l'on ne s'y attarde plus... Heureusement, un jour, des saltimbanques sont apparus pour nous faire prendre conscience que la rue pouvait être synonyme de rencontre, de plaisir, de fête !  Ils sont là, ces poètes et chanteurs de rue, authentiques artistes qui font la joie des passants !




[ Home ]